Suis-je expert.e parce que j’ai vécu ?

Nous avons tous traversé des périodes de turbulences. Nous avons tous vécu des moments émotionnellement difficiles à traverser ou à digérer. Nos singularités nous ont conduit à vivre des expériences d’une façon différente d’une autre personne. Nous avons dépassé, compris, intégré et, certaines fois, tiré des leçons de vie de nos expériences.

Parfois même, dépasser des évènements nous a conduit à nous engager dans des formations pour mieux nous comprendre.

D’autres en ont fait un métier.

Pourquoi cet article ?

Parce que beaucoup de personnes s’improvisent coachs sans même avoir fait de formation (parfois) sous prétexte qu’elles ont travaillé dans un domaine spécifique. D’autres deviennent coachs spécialisés en… parce ce qu’elles ont transcendé leurs souffrances ou retrouvé confiance après des passages difficiles.

Le mot « coaching » est à la mode ! Et le « marketing » en vogue préconise de mettre en scène une « spécificité » façon « j’ai surmonté ! Je sais comment vous aider… ».

Le marketing actuel, car ce n’était pas le cas il y a quelques années et cela bougera certainement dans le futur. Rappel : le monde du marketing veut faire vibrer la corde sensible pour provoquer l’achat. Normal, c’est son job et il le fait très bien !

Évidemment, dans un monde qui vient titiller l’émotionnel pour faire réagir, cela revient à jouer la carte de l’émotionnel justement ! On dirait que le monde est en manque de héros.

J’ai juste envie d’inviter les coachs de vie à bien différencier un vécu et ce qui peut attirer un.e client.e bien au-delà de leurs apparences.

Car tout ceci m’interpelle.

Qu’en est-il des coachs de vie censés être en posture non « ingérante » ? Notre vécu nous rend-il expert.e de ce que nous avons transcendé ? Et de ce fait, sommes-nous les mieux placés pour accompagner ce que nous avons transmuté ?

Cet article est une invitation à la vigilance.

Étymologie « expert »

Du latin  expertus « éprouvé, qui a fait ses preuves ».

Oui c’est sûr, j’ai éprouvé, dans le sens de ressentir. Ai-je fait mes preuves ? Combien de fois ? Comment ? Vis-à-vis de qui ? De moi-même ?

Expert.e de sa vie

Est-ce que mon vécu fait de moi une experte de ma vie ? A peine ! Déjà parce que j’ai bien souvent parcouru le même chemin sans jamais en avoir fait le tour. Avec toujours l’impression d’avoir tout compris ! Jusqu’au moment où j’ai l’impression d’avoir fait demi-tour, à nouveau.

La connaissance et la compréhension de soi ressemblent à une spirale. Plus j’avance, plus je descends dans mes profondeurs.  A chaque pas, des nouvelles couches de peurs ou de croyances dévoilent un pan de mon histoire. Je me rapproche de mon être profond… mais je suis loin de l’avoir saisi ! Il est plutôt vivant et en mouvement perpétuel…

Peut-être experte de ma vie passée ? Le mental voudrait bien tout ranger dans des jolies petites cases : ça j’ai compris… ça, c’est fait ! Comme dans les do-lists : l’intérieur est-il vraiment aussi définitif que cela ?

Si experte signifie « seule personne capable de changer quelque chose dans ma vie personnelle et/ou professionnelle »… alors oui ! Pour faire des choix alignés avec qui je suis à un instant T !

Mais si je suis l’experte, la place est prise ! Si je suis cohérente : comment pourrais-je devenir l’experte de la vie d’un.e autre ?

Expert.e de la vie des autres

Est-ce que mon vécu fait de moi une experte d’une autre vie en apparence similaire à la mienne ?

Cela fait de moi un.e témoin d’un passage délicat. Je peux en parler autour de moi, raconter à ma façon comment j’ai réussi à passer le cap. Mon vécu peut même inspirer d’autres personnes à faire de même : c’est possible !

Mais puis-je ensuite généraliser jusqu’à donner à penser que j’ai tout compris ? Et si l’autre fonctionne différemment de moi, est-ce que raconter va réellement l’aider ?

Expert.e des fonctionnements

Est-ce que mon vécu fait de moi une experte du processus… Nous confondons bien souvent avoir eu les informations sur un sujet et avoir tout compris ! C’est toute la différence entre voir une vidéo sur « comment construire sa maison de A à Z » et passer à la pratique.

Avoir suivi un itinéraire ne nous rend pas expert de tous les itinéraires possibles.

Les fonctionnements humains sont très subtils car parfois invisibles. N’oublions pas qu’au bout du compte, notre véritable histoire vécue s’est transformée au fil du temps. Tout à fait normal : nous la revisitons à travers nos filtres présents ou passés.

Nous avons différents niveaux de compréhension. Ils dépendent de notre cheminement intérieur. Ainsi les connaissances et la compréhension que nous avons d’un évènement, sont directement impactées par notre niveau de conscience à un instant T. Sans aucun jugement de valeur ou de notion « plus ou moins » !

Un vécu peut être l’allumage-le prétexte qui pousse à se former dans le métier de l’accompagnement coaching de vie. Quid de ce qui se cache derrière ? Un début d’histoire n’est pas l’histoire intégrale…

Le coaching de vie ne s’improvise pas

Le coaching de vie demande une véritable formation et beaucoup de pratique.

Il demande aux coachs de vie

• un véritable « travail » intérieur, puis de s’en détacher.
• d’acquérir une compréhension des mouvements intérieurs, puis de s’en détacher.
• d’apprendre quelques outils, d’être en capacité de les adapter ou de les réinventer, puis de s’en détacher.
• de devenir un expert du « changement », puis d’oublier.

On dirait que le plus grand apprentissage est le détachement… Transcender un vécu n’est donc que le début d’un éventuel chemin vers l’accompagnement.

C’est un métier exigeant car il demande des remises en question permanentes. Être en capacité d’accueillir un.e autre dans son entièreté, en le regardant avec confiance comme un être expert de sa propre vie, cela ne s’improvise pas.

Un.e coach de vie ne peut pas être un.e expert.e de la vie d’un.e autre. Si expert il est, c’est de l’accompagnement au changement.

Si mon vécu est trop proche de la personne que je reçois, je serais certainement tentée de faire des rapprochements… et c’est humain !

Cela parlera de moi… Mais quelle sera sa place à elle ?

Patricia Verneret, coach de vie

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