Itinéraire d’un coach de vie : « Dans tes yeux, accueille le monde ! »
Publié par FCV le
Itinéraire d’un coach de vie
« Dans tes yeux, accueille le monde ! »
Quelle est la nature de mon regard lorsque j’accompagne ? Vise-t-il quelque chose ? Voit-il les choses telles qu’elles sont ? Mon regard de coach de vie observe-t-il, définit-il ? Participe-t-il à l’objectivation de ma pensée ou reste-t-il sans intention ?
Je ne compte plus les fois où je me suis posé ces questions… De quelle façon mon regard contribue-t-il à l’accompagnement ? Ou pas ! Mon regard d’accompagnant est-il, et surtout doit-il être spécifique lorsque je suis aux côtés de la personne coachée ?
J’ai appris pendant toutes ces années de pratique qu’un regard autre est possible, voire nécessaire…
Il s’agit d’un regard qui ne part pas seulement des yeux mais de derrière les yeux (1). De plus loin… De beaucoup plus loin… Un regard qui regarde ce que je regarde ! Un regard qui accueille large, sans rien chercher de particulier. De fait, il ne voit pas spécifiquement certaines choses. Et parce qu’il ne voit pas une chose précise, parce qu’il laisse ses yeux être là, sans saisir quoi que ce soit, une perception nouvelle apparaît. Plus large. Plus indéfinie.
J’ai tenté d’apprendre avec force de volonté, à « laisser être mon regard ». En vain. Et au moment où, découragé, j’ai renoncé à obtenir ce « laisser être et ce laisser voir » celui-ci m’a enveloppé et nourri. Lorsque j’ai cessé de regarder la personne coachée pour tenter d’en connaitre davantage sur elle, pour déceler une piste qui me permettrait de lui proposer un outil efficace ou pour lui poser « une question pertinente au bon moment », j’ai cessé de poser sur elle un regard d’appropriation. Et la bascule a eu lieu…
Un regard qui dit « oui » à ce qui est…
De mon regard ordinaire à un regard qui dit « oui » à ce qui est sans chercher à définir quoi que ce soit, l’espace relationnel entre coach de vie et coaché s’agrandit et se libère… Une multitude de choses se laissent alors pressentir. Pour l’un comme pour l’autre.
« Dans tes yeux accueille le monde ! » suggère ma superviseuse. Je m’entends dire en réponse : « Accueillir le monde ? Et mon client alors ? Je le laisse tomber ? ». Et sa réponse est immédiate : « Oui, parce que si tu as la perception de le laisser tomber, c’est que tu l’avais déjà saisi, n’est-ce pas ? » Et le coup de grâce tombe quelques secondes plus tard. « Roger, quel regard portes-tu sur ce client ? Cherches-tu à voir quelque chose de précis en lui ? Silence de ma part … « Ne le regardes-tu pas de trop près, ton client ? ». Cette dernière question a été révélatrice !
Un regard indéterminé mais pas indifférent
Éloigner mon regard… Laisser mon regard assumer un recul. Un regard qui prend conscience de ce qu’il spécule. Un regard qui n’imprime rien. Un regard qui laisse ouvert, qui laisse être… Un regard réceptif, accueillant, indéterminé. Indéterminé mais pas indifférent.
Je l’avoue, les séances de coaching de vie qui ont suivi cette supervision se sont apparentées à des montagnes russes ! Comment être là et poser un regard qui ne dit rien, qui n’influence en rien la personne coachée ? Au fil du temps, ce questionnement presque obsessionnel m’a épuisé. Bien que revenant sans cesse à ma respiration, tentant de me resituer dans mon hara (2) « quelque chose cherchait encore à voir » chez l’autre. Une vraie prise de tête ! J’ai doublé mon temps de préparation avant les séances de coaching en intégrant des exercices de souplesse de la nuque, du bassin, des pratiques respiratoires issues de l’Ayurvéda, du sommet de la tête jusqu’aux orteils !
« Dans mes yeux accueillir le monde » : un vrai cheminement intérieur…
Passer du regard pro-actif (conscience ordinaire et productiviste) au regard accueillant puis au regard ni déterminé, ni déterminant(3), a été -et est toujours- un vrai cheminement intérieur. Me placer dans un regard ouvert, infini, présent, transitoire et hospitalier, m’offre la possibilité d’un regard à 360 degrés (dans les meilleurs jours !!) et à une forme poreuse de mon attention.
Encore aujourd’hui, j’ai cette sensation indéfinissable de n’en être qu’au commencement de quelque chose, au commencement d’une réalité insaisissable mais riche et féconde. Ce « regard qui ne voit rien » me rapproche d’une « parole qui se tait en questionnant (4)».
Tout concourt à laisser être l’Être que nous accompagnons en posant un regard qui ne voit rien en particulier si ce n’est la lumière existante au cœur de chaque instant qui s’écoule. Et si c’était cela la bienveillance ?
Et vous, chers.es coachs de vie, quelle est la nature de votre regard lorsque vous accompagnez ?
Roger DAULIN Superviseur FCV coaching de vie
- Jean-Yves Leloup, philosophe, théologien et prêtre orthodoxe en parle merveilleusement, notamment dans un article de la revue Sources, page 8 et 9, Janvier/février/mars 2009. Il évoque alors « L’œil de la nuque », c’est-à-dire le regard qui invite davantage à « infinir » que « définir » ce qu’il voit, autant dire qu’il ne veut rien (…)et ne cherche pas à saisir quoi que ce soit. L’œil de la nuque correspond aux dires de J.Y. Leloup à « l’intellectus possibilis », c’est-à-dire ce moment de recul où le regard, prenant conscience de ses projections, s’efface.
- Les Japonais considèrent le hara comme le réservoir de notre énergie. Il irradie de l’abdomen au bas-ventre. Mais de façon plus générale, être dans son hara c’est être ancré et centré. Le hara est le lieu de convergence des aspects physiques, psychiques, émotionnels, etc. Il est le centre des perceptions. Être dans son hara offre un sentiment d’unité, de cohérence et de justesse. C’est être « Un » avec ce que nous sommes, là où nous en sommes, en interaction avec notre environnement.
- Poser un regard ni déterminé, ni déterminant, ne peut être possible qu’avec le recentrage et l’ancrage de l’ensemble du corps. Habiter pleinement son corps devient inéluctable, en laissant être ce qui peut l’être.
- Référence à l’article « Cette parole du coach de vie qui ne dit rien…de particulier » Blog de la Fédération de Coaching de Vie novembre 2023
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2 commentaires
FREDERIC CAMILO · 1 janvier 2025 à 2:41 pm
Merci pour cet article. Intéressant
FCV · 1 janvier 2025 à 3:56 pm
Merci ! Nous sommes ravis si cet article a résonné en vous …